LA NAISSANCE DES CARTES POSTALES EN VENDÉE
La modification importance va être l’apparition d’une toute petite illustration au recto, initiée d’abord par le magasin « La Belle Jardinière » à Paris. Les premières cartes réalisées de cette façon vont sortir pour l’exposition universelle de Paris en 1889, avec naturellement un petit cliché de la toute nouvelle Tour Eiffel. Ces célèbres cartes, appelées les « Libonis », seront diffusées à 300 000 exemplaires par le monde.
Toutefois, à cette époque en Vendée, on ne trouve encore que les cartes non illustrées utilisées à des fins commerciales, pour annoncer le passage d’un représentant ou faire une commande. Le cliché ci-dessous en est un bon exemple. Il a circulé le 14 août 1890 pour permettre la commande de M. Papineau, épicier rue Nationale à Chantonnay, auprès d’un grossiste M. Pernod, de Pontarlier dans le Doubs.
Le carton commercial posté en 1890.
Les cartes postales « Pionnières » (1897-1900)
Dans le département, les premières cartes réalisées à destination des touristes, ont été éditées par un imprimeur parisien Daniel Neurdein, sous le pseudonyme « ND Phot. ». Ce dernier, faisant en 1885 le tour des grandes villes de France pour réaliser des clichés, s’était arrêté en Vendée, mais seulement aux Sables d’Olonne. Aussi, quelques années plus tard vers 1893, il tenta de s’en servir pour faire les premières cartes postales.
Une carte postale du Remblai aux Sables d’Olonne, ND phot, postée en 1899.
Seulement, si son premier essai n’avait pas connu le succès attendu, il avait néanmoins donné des idées à plusieurs concurrents sur le plan local.
Ainsi, le premier Vendéen a éditer ses propres cartes postales va être Lucien Amiaud de La Roche-sur-Yon, dès le mois de novembre 1897. Fils d’Émile Amiaud photographe dans cette ville, rue Lafayette, c’est juste à sa sortie des obligations du service militaire qu’il se lance dans cette activité. Cette date étant connue, elle nous permet ainsi de dater officiellement la diffusion véritable des premières cartes postales dans le département. En réalisé, il y avait sûrement pensé plus tôt, car habitant à moins d’un kilomètre de sa caserne, il avait fait des tentatives lors de ses permissions chez son père. La carte postale ci-dessous est une des premières, elle a été postée trois mois plus tard, le 18 février 1898. Elle constitue ainsi la preuve que le photographe en avait vendu assez rapidement. Ses premières cartes ne sont pas numérotées et portent encore très discrètement le nom de l’auteur. La numérotation viendra ensuite assez rapidement, quand il aura besoin de retrouver ses plaques facilement pour effectuer des rééditions. Nous avons déjà retracé succinctement la vie et l’œuvre de ce photographe dans un précédent article du présent Blog.
Une carte postale de la Préfecture à La Roche-sur-Yon,
Lucien Amiaud, postée en février 1898.
Lucien Amiaud a été le premier photographe vendéen de cartes postales, mais il a été suivi de très, très près par plusieurs autres concurrents amateurs et professionnels. La première personne qu’il convient de citer ici c’est tout d’abord Donatienne de Suyrot, habitant place Louis XVI à Nantes ou au château de la Gastière à Chambretaud. Elle avait, en effet, réalisé quelques années plus tôt tout un ensemble de photos du plus grand intérêt. La commercialisation de ses clichés n’était pas le premier objectif de sa démarche. Elle souhaitait plutôt en faire un usage personnel dans les échanges entre amis ou collectionneurs (déjà !). Elle n’en éditera qu’une trentaine environ, sous la rubrique « Souvenir du Bocage Vendéen », en collaboration avec un imprimeur de Mortagne-sur-Sèvre. Celle reproduite ci-dessous a été expédiée le 28 décembre 1898.
Une carte postale du Mont des Alouettes aux Herbiers,
Donatienne de Suyrot, postée en décembre1898.
Outre les premiers photographes et des particuliers, d’autres professions vont s’intéresser très tôt à l’édition de cartes postales. Parmi ceux-ci on trouve Henri Lussaud, imprimeur à Fontenay-le-Comte et le plus célèbre éditeur d’Histoire locale du département. Toutefois, comme il n’est pas photographe, il utilise les plaques faites par un certain Gaborit. La carte postale figurant dessous n’a voyagé que le 22 août 1900, mais elle est visiblement un peu plus ancienne. Pour Henri Lussaud, il ne s’agissait que d’une activité très secondaire, il ne produira en réalité que quelques cartes de Fontenay-le-Comte ou des environs immédiats.
IL convient aussi de préciser que d’autres cartes, non datées et sans nom d’auteurs, circulaient également en plusieurs lieux de Vendée et en particulier aux Sables d’Olonne, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, à Luçon, à Tiffauges etc… Ces clichés pourraient probablement être attribuées à des photographes locaux collaborant avec des entreprises urbaines. Ces mêmes artisans, on les retrouvera plus tard, quand ils se seront installés dans la fonction.
Une carte postale du pont des sardines à Fontenay-le-Comte,
Imprimerie Lussaud, postée en août 1900.
Un autre artiste a également sa place dans ce chapitre et à cette période « pionnière » : Il s’agit de Jules (César) Robuchon (1840-1922) sculpteur, peintre et photographe, installé successivement à La Roche-sur-Yon, à Fontenay-le-Comte et finalement à Poitiers. Comme nous venons de le voir, il n’a pas été le premier à éditer des cartes postales en Vendée, en revanche ses réalisations sont d’un intérêt primordial. En effet, pour ce faire, il utilise les plaques de verre anciennes qu’il possède dans son atelier. Il s’agit de personnages qui sont venus se faire tirer le portrait dans son studio sous le Second Empire, vers 1866, mais aussi des clichés pris vers 1885 et destinés à illustrer la célèbre série de livres « Paysages et Monuments du Poitou ». La carte postale ci-dessous appartient à la première catégorie. Elle représente, en 1870, une dame en tenue locale, mais avec une robe en forme de crinoline.
Une carte postale d’une dame en costume de 1870, Jules Robuchon, non postée.
Les Cartes postales « précurseurs » (1900-1903)
Cette période de 1900 à 1903 reste encore une période intermédiaire dite des « précurseurs ». Les cartes postales n’ont pas encore leur forme définitive. Elles sont dites « en nuage », car l’image et la correspondance doivent cohabiter sur le recto et le cliché n’a pas de bords francs, mais des limites évanescentes. En effet, l’Administration des Postes n’a pas encore pris la décision qui va tout changer. Elle ne le fera qu’en décembre 1903, en décidant que le recto serait désormais réservé à l’illustration, l’adresse et la correspondance se partageant équitablement le verso. On notera également sur la carte ci-dessous la présence de l’inscription « République Française » qui disparaîtra d’ailleurs un peu plus tard. Certains s’amusaient à la raturer ou à la cacher avec le timbre (la Marianne mise la tête en bas).
Le verso d’une carte postale, postée en mai 1900 (pour Alexandrie en Égypte).
A partir de 1900 environ, les cartes postales sont devenues désormais monnaie courante dans le département. La presque totalité des grands noms de la photographie locale qui vont faire carrière sont maintenant en place, qu’ils aient été formés ou soient autodidactes. Signalons en particulier les deux plus importants sur le plan départemental : Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre et Armand Robin de Fontenay-le-Comte, mais sans oublier que chaque canton a un ou plusieurs éditeurs locaux de cartes postales et que certains essayaient de rivaliser avec les éditeurs départementaux, comme Madame Milheau. Le premier a tout d’abord une période dite « rouge », où toutes les inscriptions et légendes sont faites avec cette couleur d’encre. La carte visible ci-dessous figure parmi les premières d’Eugène Poupin.
Une carte postale de Mortagne-sur-Sèvre en 1900,
Eugène Poupin de Mortagne, non postée.
Comme le précédent, Armand Robin va s’intéresser à l’ensemble de la Vendée et même aux communes limitrophes des autres départements (comme les Deux-Sèvres). Il fera également des séries que des amateurs achèteront en bloc, comme « Les Églises de Vendée » et surtout son plus grand succès « Les Châteaux de Vendée ».
Une carte postale de Fontenay vers 1900, Armand Robin de Fontenay, non postée.
Les Cartes postales de « l’Age d’Or » (1904-1914)
A partir du 1er janvier 1904, les cartes postales ont désormais leur forme définitive et vont connaître un succès qui ne se démentira pas pendant 10 ans au moins et ne sera ralenti que par la première guerre mondiale.
Durant cette troisième période on voit encore apparaître quelques grands photographes comme Paul Dugleux à La Roche-sur-Yon, dont nous avons également déjà retracé le parcours sur le présent Blog.
Comme à cette date, il y a encore peu d’appareils photos, que les journaux ne sont pas illustrés, que les magazines le sont souvent par des dessins et sont chers, acheter une carte postale constitue le moyen de conserver des souvenirs d’évènements communs (fêtes locales, congrès eucharistiques, missions, évènements militaires etc…
C’est durant cette période de 1904 à 1914 que l’on connaît le plus grand nombre d’éditeurs, que leurs œuvres sont innombrables et encore imparfaitement connues. Cette période pourrait donc faire l’objet d’un nouvel article.