LES 300 ANS DE LA GENDARMERIE A CHANTONNAY (VENDÉE)
Cet événement historique significatif a fait l’objet, fort à propos, d’une cérémonie de commémoration à Chantonnay. Et la presse s’en est fait l’écho dans un article paru sur le journal hebdomadaire Ouest-France du lundi 11 juillet 2022.
Malheureusement, sans doute par manque d’informations, l’historique qui y était retracé comportait quelques confusions. Par exemple, les gendarmes n’avaient pas pu s’installer rue Nationale en 1720 puisque cette voie a été créée seulement vers 1750.
Par conséquent, il nous a semblé opportun, pour une information historique de nos concitoyens, de préciser ces différents éléments dans le présent article paraissant sur le Blog de « La Chouette de Vendée ».
Premier plan cadastral de Chantonnay en 1824.
En 1720, les deux premiers gendarmes ont pu s’installer dans un immeuble presque contigu au portail d’entrée de l’église, que l’on aperçoit ci-dessus sur la reproduction du premier cadastre de la commune (établi en 1824). Dans ce bâtiment, s’entassaient alors : le corps de garde (Gendarmerie), la maison de sûreté (Prison) et l’école. Il s’y adjoindra la maison de ville (Mairie) après la Révolution et encore le Justice de Paix. Cette dernière fonction a été exercée de 1822 à 1830 par le célèbre officier des Guerres de Vendée Louis-Dominique Ussault de Din-Chin.
De plus, cet immeuble fortement endommagé par l’incendie allumé par les colonnes infernales en 1794, avait été réparé d’une façon assez sommaire. Dès 1817, il était considéré comme « en fort mauvais état » et les conseillers municipaux espéraient bien le faire restaurer aux frais du gouvernement.
Presque 20 ans plus tard, ils espéraient encore et sans plus de succès ! En 1836, il était qualifié de « fort incommode et dans un particulier état de vétusté ». L’école pour sa part avait quitté les lieux en 1838 pour s’installer à l’emplacement de l’hôtel de ville actuel. Les édiles locaux durent pourtant s’armer de beaucoup de patience pendant encore 20 ans supplémentaires.
En 1855, la paroisse envisageait alors de reconstruire en partie l’église, de l’agrandir et de lui ajouter une nef supplémentaire (celle du Sacré-Cœur). Cette fois-ci, c’était le comble, le fameux bâtiment allait en gêner la réalisation.
L’affiche d’adjudication de 1856.
Aussi, par délibération du 9 février 1856, le Conseil Municipal décida finalement de se prendre en main et de construire à ses frais « un prétoire, une justice de paix et un dépôt de sûreté ». Le Maire Benjamin Liébert organisa le 18 mai 1856 une adjudication au rabais des travaux, estimés à 14 917,88 Francs.
Les nouveaux bâtiments furent implantés dans la partie basse (à l’Est) du nouveau champ de foire aux vaches, rebaptisé ensuite pompeusement « Les Champs Élysées », puis place Jeanne d’Arc. Ils comprenaient : la salle des pas perdus et la salle de la Justice de Paix dans le pavillon central avec le fronton et dans chacune des deux ailes un appartement pour un gendarme, les prisons dans l’aile de gauche (5 rue Victor Hugo) et une petite écurie dans la cour de droite.
La Justice de Paix vers 1905.
Vers 1850, comme on vient de le voir, la Brigade de Gendarmerie de Chantonnay ne possédait que deux gendarmes. Aussi les locaux de la place Jeanne d’Arc apportèrent un confort inhabituel, qui changeait considérablement par rapport au siècle précédent.
Il nous reste une photo montrant le fonctionnement de la Justice à Chantonnay. Elle est un peu plus tardive (vers 1910) et a été prise dans le parc Clemenceau actuel (propriété alors d’Oscar Robin). On y reconnaît au premier rang, de gauche à droite : Charles Malthète huissier, Toussaint Guinaudeau assesseur, le Juge de paix, Oscar Robin assesseur et Fréderic Marais greffier ; au second rang Périclès Olivier assesseur, le Brigadier François Charbonnier et le Gendarme Charles Girard.
Les acteurs de la Justice à Chantonnay vers 1910.
Toutefois les choses allaient évoluer assez vite, car vers le début du Second Empire, les effectifs de la Gendarmerie à Chantonnay augmentèrent, peut-être du fait de l’accroissement de la population du canton de Chantonnay. Celle-ci, en effet, passa de 14 145 habitants en 1851 à 15 480 en 1881. Dès 1861, ils étaient déjà cinq gendarmes à Chantonnay. Il est à noter que les chefs-lieux de canton n’étaient pas les seuls à bénéficier d’une brigade de gendarmerie. Autour de Chantonnay, il y en avait aussi à Bournezeau, La Caillère, Mouilleron-en-Pareds et Mouchamps.
En tous cas, la Gendarmerie, pourtant installée à cet endroit depuis peu, pouvait difficilement rester place Jeanne d’Arc, puisqu’il n’y avait que deux logements. Au début, plusieurs gendarmes logèrent en dehors de la caserne. Il fallut tout de même trouver, en urgence, une maison assez vaste pour faire au moins cinq logements. C’est à ce moment là que les gendarmes s’installèrent à l’angle des rues Nationale et Travot (à l’emplacement de la pharmacie de la Poste). A cet emplacement on remarque encore un grand porche, fermé d’un portail clouté, qui permettait l’accès aux écuries. La date exacte de cette installation effective ne nous est pas connue exactement, on peut toutefois l’estimer probablement vers 1865.
La gendarmerie (1865-1888) est visible au carrefour à droite (Carte postale de 1904).
De toute façon, cette installation dans une maison ordinaire à l’angle des rues Nationale et Travot a toujours été considérée comme provisoire, en attendant la construction d’une caserne. D’ailleurs, des problèmes ne vont pas tarder à apparaître. Les cellules étaient restées place Jeanne d’Arc et les logements prévus et délaissés par les gendarmes avaient été attribués à des employés municipaux. Aussi, le garde champêtre était chargé de surveiller et de nourrir les prisonniers. Seulement un vagabond réussit à prendre le dessus sur le garde champêtre et à l’enfermer à sa place dans sa cellule. Après une autre évasion du même genre, de nouvelles cellules furent alors aménagées rue Travot.
Au recensement de la population de 1881, il y avait cinq gendarmes (« à cheval ») rue nationale : Mariot (Maréchal des logis), Pageaud, Troussilh, Rivasseau et Lenicolais. Au recensement suivant, en 1886, ils logeaient encore rue Nationale.
La maréchaussée à cheval à la fin du XIXème siècle.
C’est durant son séjour rue Nationale que la Brigade connut son affaire judiciaire la plus célèbre : le crime de Saint Vincent-Sterlanges le 17 février 1882. Pierre Barbier, domestique agricole, avait tué avec une particulière sauvagerie son employeur Auguste Durand et la fille de ce dernier Madame Gibot. Récupéré à la suite d’une battue, il fut ramené à pied entravé entre deux gendarmes à cheval et passa la nuit du samedi 18 dans une cellule à Chantonnay. Le lendemain les gendarmes l’escortèrent par le train jusqu’à la prison de La Roche-sur-Yon. Reconnu coupable et condamné à mort, il fut le dernier à être guillotiné en Vendée le vendredi 22 septembre 1882 devant une foule considérable (Cf. article du présent Blog).
La gendarmerie au 21 Avenue Georges Clemenceau (1888-1966).
Une nouvelle caserne de Gendarmerie fut construite à Chantonnay au numéro 21 de la rue de Bordeaux (actuelle Avenue Georges Clemenceau) vers 1888. Elle était située dans un quartier en cours d’urbanisation, juste après la construction de l’École Primaire Supérieure en 1886. L’édifice existe encore, il sert aujourd’hui de logements de fonction pour le Lycée Clemenceau. Cette fois-ci, il s’agissait d’un bâtiment fonctionnel uniquement à usage de gendarmerie. Et d’un beau bâtiment, d’un genre qui l’on retrouve à peu près en plusieurs endroits du département, comme Saint Fulgent ou Tiffauges. Un immeuble, divisé en deux par un vestibule et un escalier central avec un appartement de trois pièces de chaque côté (le bureau à droite et les cellules à gauche) ainsi que trois appartements de trois pièces à l’étage. Les écuries et les W. C. communs au fond du jardin (le confort de l’époque !)
Au recensement de la population de 1891, quatre logements seulement étaient occupés. Par contre en 1901, il y avait bien cinq gendarmes. Dix ans plus tard, en 1911 on y trouvait : 1- le Maréchal des Logis François Charbonnier, son épouse Eugénie et son fils Marcel ; 2- le Gendarme Augustin Laurent, son épouse Marie et ses enfants Edmond, Adolphe et Olga ; 3- le Gendarme Charles Girard, son épouse Félicitée et ses fils Charles et Louis ; 4- le Gendarme Félix Péault, son épouse Marie-Rose et son fils Marcel ; 5- le Gendarme Jean Neau, son épouse Marie et son fils Jean. (François Charbonnier et Charles Girard étaient visibles sur une photo publiée plus haut).
Cette caserne est la plus emblématique de Chantonnay, puisqu’elle a été utilisée pendant la période sensible des deux guerres mondiales du XXème siècle. D’ailleurs la photo ci-dessus a été prise précisément lors de la fête de la Victoire le 14 juillet 1919. On y voit les gendarmes de l’époque et leur famille devant l’édifice pavoisé.
La gendarmerie au 11 rue des Soupirs (1966-2004).
L’exigüité des locaux, l’absence de confort et le manque de logements suffisants imposaient une construction nouvelle. Elle eut lieu au cours des années 1964 et 1965, à proximité au N° 11 de la rue des Soupirs par les soins de la ville de Chantonnay. Elle comprenait un petit bâtiment de bureaux à gauche de l’entrée de la cour et à droite un immeuble de logements proche de la Salle des Congrès. Et ce voisinage justement finissait par rendre l’habitation difficile, à cause des bruits nocturnes engendrés par cette salle. Le transfert s’imposait donc. Actuellement les anciens bureaux sont utilisés par des associations ; par contre l’immeuble de logements a été complètement détruit.
La Gendarmerie actuelle rue de la Plaine.
Comme entre temps, la responsabilité avait été transférée à la Communauté de Communes des Deux-Lays, c’est cette dernière qui entreprit une nouvelle construction. Elle fut implantée rue de la Plaine à proximité du Collège René Couzinet, où elle se trouve encore aujourd’hui. La brigade de Gendarmerie en a pris possession en mars 2004.
Chantonnay le 27 juillet 2022.
Maurice BEDON