Les Inondations en Vendée vers 1900
Bien avant que l’on emploie les termes actuels de « dérèglement climatique » ou de « réchauffement de la planète », La Vendée a été victime d’un certain nombre d’inondations tout à fait catastrophiques au début du XXème siècle.
Elles sont restées célèbres grâce aux véritables reportages réalisés par les photographes de l’époque et éditées sous forme de cartes postales qui sont parvenues jusqu’à nous. Aux alentours de 1900, il était en effet fréquent de faire des séries de cartes pour toute sorte de grands évènements qui intéressaient le public. Une habitude qui est aujourd’hui totalement passée de mode. Il y a à cela plusieurs raisons :
- Tout d’abord l’alphabétisation des campagnes était à cette époque, et pour la première fois, globalement réussie. Après le Révolution de 1789 et les destructions des colonnes infernales en 1794, il avait fallu plus de 40 ans pour retrouver le niveau d’instruction du XVIIIème siècle en zone rurale. Mais, à la fin du XIXème siècle, sous l’impulsion de l’État, les enseignements publics et privés avaient fait le maximum pour parvenir à ce but, organisant même des cours du soir pour les adultes qui n’étaient pas allés à l’école dans leur enfance. Un public, ainsi beaucoup plus nombreux, s’intéressait désormais aux livres et à la Presse.
- Ensuite les journaux quotidiens de l’époque n’étaient pas encore vraiment illustrés. Il fallait pour cela s’abonner à des hebdomadaires sur papier glacé assez coûteux et qui ne connaîtront leur heure de gloire que pendant la guerre de 1914-1918.
- Enfin, très peu de gens à l’époque disposaient d’un appareil photographique ; et qui plus est, celui-ci était assez peu maniable (et ils n’avaient évidemment pas de téléphone portable faisant des photos numériques !).
Les cartes postales étaient donc très recherchées comme une documentation inégalée, en même temps qu’elles restaient un moyen de communication facile avec les amis ou la famille éloignée. Ces moyens ont été, en à peine plus d’un siècle, très largement dépassés.
1. Vue générale de l’Inondation de l’Yon en 1906
Dans le domaine qui nous intéresse ici même, les premières cartes postales dont nous disposons concernent la crue de la rivière l’Yon en Février 1906. Ce fait n’était d’ailleurs pas vraiment exceptionnel. Cette rivière, qui traverse la ville de La Roche-sur-Yon, a plusieurs fois inondé les parties basses du quartier d’Ecquebouille, le lavoir, les jardins potagers et quelques habitations dont il a fallu évacuer les habitants. La première carte postale ci-dessus a été réalisée par le célèbre photographe yonnais Paul Dugleux (rue Paul Baudry) N°424 de sa collection « La Vendée Pittoresque » GMD.
2. L’évacuation des habitants lors de la Crue de l’Yon.
Plusieurs photographes locaux ont tenu à immortaliser la même scène que celle représentée sur la carte ci-dessus. Celle-ci nous est apparue comme la plus explicite sur le sujet. Elle a été réalisée par Lucien Amiaud, le premier en date des éditeurs Vendéens, yonnais d’origine, installé depuis son mariage en 1903 aux Sables d’Olonne. Ce cliché a été pris depuis le pont du boulevard de l’Est (actuel boulevard des Italiens). Les services de secours ne disposant pas de moyens de sauvetage, les voisins ont bricolé un système approximatif pour pourvoir évacuer leurs compatriotes. Une échelle a été posée horizontalement pour servir de pont et repose d’un côté entre les barreaux d’une autre échelle et de l’autre sur une chaise.
3. Les Inondations au pont de Rocheservière en 1909.
La situation était tout autre dans le Centre Nord du département de la Vendée le 27 Octobre 1909. Voici d’ailleurs ce qu’en disent ceux qui relatent l’évènement quelques années plus tard :
« La crue d'octobre 1909 est l’une des plus marquantes en Vendée. Malgré son ancienneté, elle reste présente dans l’esprit collectif. Les témoignages se sont transmis à travers les générations, notamment sur l’ampleur exceptionnelle des dégâts occasionnés. Il n’y a aucune description de l’événement météorologique ou de la pluviométrie, hormis les témoignages de l’époque : « Orage épouvantable…, la pluie torrentielle n’a cessé entre minuit et 4 heures du matin ». Les pluies se sont concentrées sur le nord du département de la Vendée ; les fortes crues concernent les bassins de la Vie, de l’Auzance et du Lay. Le bassin de la Sèvre Niortaise n’est pas ou peu touché. Les plus hautes eaux sont datées du 26 octobre. Les dégâts matériels sont particulièrement marquants : « vallées inondées, routes et ponts coupés, maisons écroulées ». Les ponts de la région ont été quasi-systématiquement emportés ou fortement endommagés. Sur le bassin de la Vie, sur six communes, six ponts et un aqueduc sont à reconstruire ou réparer… »
Les intempéries avaient été précédées d’un cyclone dans la nuit du 26 au 27 octobre 1909 et ont consisté en plus de quatre heures de pluie incessantes absolument torrentielles. Ce sont les cantons du Poiré-sur-Vie, Rocheservière et Palluau qui ont le plus souffert dans l’ensemble du département de la Vendée. .
4. La Place des Halles inondée le lendemain 27 octobre 1909.
L’avant-dernière carte postale (N°03) nous présentait un groupe d’habitants devant la rivière la Boulogne, sortie de son lit, près du viaduc et menaçant gravement les premières maisons de Rocheservière (il existe une autre carte du même genre prise quelques instants plus tard, approximativement au même endroit).
Le document ci-dessus, pris place des halles est également l’œuvre du photographe local Henri Moreau de Rocheservière. Il nous montre cette fois-ci : - les habitants contemplant l’inondation, - les échelles posées sur les maisons qui ont servi pour l’évacuation des habitants réfugiés au premier étage - et une petite charrette qui précisément est utilisée pour le déplacement des sinistrés.
La photo ci-dessous a été faite dans les mêmes circonstances et par le même photographe. On y aperçoit une scène à peu près identique un peu plus loin dans la rue principale. A cet endroit, il ne semble pas que l’eau ait encore inondé l’intérieur des maisons. On retrouve la petite charrette servant aux évacuations.
5. Les inondations de Rocheservière dans la rue Principale
La commune du département qui a été la plus touchée par les intempéries est vraisemblablement celle du Poiré-sur-Vie, le même jour 27 octobre 1909.
A cet endroit, l’évènement le plus tragique a eu lieu à proximité du pont de la route d’Aizenay construit sur la rivière le Ruth. Madame Bourmaud, une dame impotente, a péri noyée, mais ses deux filles ont été sauvées par le docteur Lucas qui a pu les ramener à la nage malgré le courant violent. Cette carte postale (N° 2972) nous montre leur petite maison, située tout au bord de la rivière et complètement éventrée par la crue (Cf. illustration ci-dessous).
6. Les inondations au Poiré-sur-Vie : la maison effondrée.
A la suite du cyclone du 26 octobre 1909, les pluies ont été tellement importantes que les rivières avec un courant très fort ont charroyées des débris. Les cours d’eau ont alors fait pression sur les ponts en pierre et ont provoqué la destruction de 18 d’entre eux, dont 4 dans la commune du Poiré-sur-Vie.
La carte postale suivante (N°2973) nous présente le pont de la route conduisant à Palluau, au lieu dit la Braconnerie. Tout au moins ce qu’il en reste, c'est-à-dire pratiquement rien : la rivière La Vie a tout emporté. Les rails de la ligne du chemin de fer à voie étroite (le tram) qui circulait dessus sont restés suspendus en l’air.
7. Au Poiré-sur-Vie, le pont écroulé de la route de Palluau.
Ces deux cartes postales précédentes et les trois suivantes sont toutes l’œuvre de Lucien Amiaud dont nous avons parlé plus haut. Il en a d’ailleurs consacré très exactement six à ce sujet (Numérotées 2971 à 2976).
Sur la suivante (N°2974) on peut voir les vestiges d’une des arches du pont de la route conduisant du Poiré à Aizenay. Le cliché a été pris de l’autre côté de la rivière le Ruth près de la maison de Tenailleau.
8. Au Poiré-sur-Vie, les vestiges du pont de la route d’Aizenay.
Appartenant toujours à la même série datant de 1909 (N° 2975), la carte postale ci-dessous nous présente cette fois la route du Poiré aux Lucs-sur-Boulogne, qui n’a rien à envier aux autres puisqu’elle a, elle aussi, perdu son pont enjambant la rivière La Vie. On y remarque la présence des ingénieurs de Ponts et Chaussées venus constater l’ampleur des dégâts et envisager les reconstructions qui s’avèrent indispensables.
9. Les ingénieurs venus constater les dégâts.
Cette dernière carte représentant les inondations du Poiré-sur-Vie en 1909 (N°2971) a beau porter un numéro qui sous-entend une réalisation antérieure aux autres, en fait il n’en est rien, bien au contraire. Le cliché n’a pas été pris le même jour mais quelques semaines plus tard. On y reconnaît le pont de la route d’Aizenay, aperçu tout à l’heure, avec le vestige de son arche. Une passerelle provisoire en bois a été construite par les Ponts et Chaussées pour permettre le passage en attendant la reconstruction en dur d’un nouveau pont.
10. La passerelle provisoire établie sur la rivière le Ruth.
Palluau, le canton voisin, a lui aussi été touché par de graves intempéries à la même date. Dans la commune d’Apremont, le grand pont situé sur la rivière La Vie aux pieds du château et qui permettait le passage de la route de Challans à Coëx, a été lui aussi très gravement endommagé.
Cette carte postale a, cette fois-ci, été réalisée par Émile Boutain de Croix-de-Vie. Outre les vestiges du pont éventré, elle nous montre les habitants traversant en barque. La construction d’une passerelle provisoire en bois puis d’un nouveau pont donnera lieu à l’édition de nouvelles cartes postales.
11. Le pont d’Apremont en partie détruit par la crue.
Si les cantons du Centre Nord Vendéen sont ceux qui ont subi le plus de dommages, ils n’en sont pas pour autant les seuls. Revenons au récit déjà cité au début de cet article :
« Sur le bassin de l’Auzance, dans le canton de la Mothe-Achard et aux alentours, l’affluent la Ciboule emporte 17 ponts et en endommage un autre, de nombreuses routes sont coupées. L’Auzance détruit un pont sur la route départementale n°57 et un autre sur la route départementale n°21 dont il est précisé que l’eau a submergé le parapet. Plus au sud, sur le bassin du Lay, on ne relève que des inondations dans la partie basse de la ville de Talmont. »
Justement Lucien Amiaud a consacré la sixième et dernière carte de sa série (N° 2976) à la commune de Saint-Mathurin (Cf. ci-dessous) dans la même journée du 27 octobre 1909. On peut y voir l’emplacement du pont qui était situé sur la rivière La Ciboule et sous la Route Nationale 160 La Roche-sur-Yon aux Sables d’Olonne (actuelle RD 160), près du lieu dit la Millière. A proximité, la rivière l’Auzance avait aussi coupé, entre autres, le pont de la route allant de Saint-Mathurin à Vairé.
12. Le pont détruit sur la RN 160 à Saint-Mathurin.
Le photographe Lucien Amiaud, décidément « spécialiste » des inondations, a consacré une autre série de 10 cartes postales (N° 4415 à 4424) aux inondations que la commune de la Tranche-sur-Mer a subies en décembre 1911.
Cette série a toutefois connu un succès commercial moins important que la précédente, sans doute parce que les images étaient moins spectaculaires. Il y montre successivement : - Une voiture en panne sur la route (N°4418) – La route d’Angles coupée (N°4419), - Les jardins sous l’eau (N°4420), - Les Tranchais fuyant devant le fléau (N° 4422), - Un habitant essayant de sauver les récoltes (N°4423), - Une voiture surprise par l’inondation sur la route d’Angles (N° 4424), - Les soldats du 93ème réalisant des travaux de défense de la digue (N° 4415, 4416, 4417 et 4421).
Ces inondations n’étaient pas de même nature que celles de 1909 dans le Nord Vendée. A la Tranche-sur-Mer elles étaient relativement fréquentes l’hiver car le fleuve Le Lay inondait les marais. Celles de décembre 1911 ont été particulièrement importantes car elles se sont conjuguées avec des attaques de la mer pendant une grande marée.
La carte postale reproduite ci-dessous est la N° 4423. Sa légende nous indique qu’il s’agirait d’un « Tranchais sauvant les récoltes ». Il y avait peu de récolte à sauver au mois de décembre ! En fait il s’agit du sacristain, un personnage local original, connu pour partir à la mer pieds nus en toutes saisons.
13. Un habitant de la Tranche essayant de sauver sa récolte.
Lors de ces inondations de 1911, les soldats, effectuant leur service militaire au 93ème régiment d’infanterie cantonné à La Roche-sur-Yon, avaient été mis à contribution pour aider la population à lutter contre les dégâts causés par la mer. Même si, en contemplant les images, on a de prime abord l’impression que les moyens employés sont dérisoires (CP N°4417). Ici, au lieu dit « La Belle Henriette », en faisant la chaîne pour transporter des pierres, ils essayent de consolider la dune afin d’éviter que la mer ne la ravine totalement.
14. Les soldats réparant les dégâts causés par la mer.
Une autre série de deux ou trois cartes postales ont été réalisées à Palluau le 27 mai 1915 par un photographe anonyme. En effet, ce jour là, et en particulier au lieu dit l’Aumônerie, « la Petite Boulogne » est sortie de son lit et a inondé les parties de la ville proches de la rivière (Cf. carte postale ci-dessous à gauche).
Dans la ville de Talmont, ces genres d’évènements, relativement fréquents, étaient familièrement surnommés « les baignades ». Ils intervenaient lors d’une marée d’un fort coefficient pendant une période extrêmement pluvieuse. Les eaux de la rivière La Payré ne pouvaient alors plus s’écouler vers la mer et refoulaient en inondant la ville basse de Talmont. Cette carte postale, non datée, dont le photographe est anonyme a été éditée par J. Le Brasseur à Talmont (Cf. carte postale ci-dessous à droite).
15. Palluau inondé en 1915. 16. Les Inondations à Talmont.
Les inondations survenues dans la période 1900-1914 nous sont bien connues par la force des images, puisqu’elles ont été immortalisées par les cartes postales. Mais d’autres évènements similaires sont évidemment survenus après cette dernière date...
Chantonnay le 7 mai 2020