LE TRAM MONTAIGU-L’AIGUILLON
Le « tram » ou même le tramway n’étaient pas l’appellation officielle de ce moyen de transport, puisqu’on devait dire au contraire chemin de fer à voie étroite ou chemin de fer à voie métrique. Il se différenciait du chemin de fer ordinaire par une largeur de voie plus faible 1 mètre au lieu de 1,40 mètre (en France) et par des infrastructures beaucoup plus légères. La confusion venait du fait que sur les wagons de ce petit train était écrit « Compagnie des Tramways de Vendée ».
Le train (actuel SNCF) était apparu pour la première fois en Vendée le 24 décembre 1866 avec l’inauguration de la première ligne du département Nantes / Napoléon-Vendée (c'est-à-dire La Roche-sur-Yon). Le premier petit train pour sa part avait fait son apparition le 11 août 1896 sur la première ligne à voie étroite Challans / Fromentine. La compagnie qui gérait ce dernier avait aussi créé en 1898 un véritable tramway reliant le remblai des Sables d’Olonne au casino des pins de la Rudelière.
En réalité, la ligne qui nous intéresse ici, celle de Montaigu à l’Aiguillon-sur-Mer (du Nord au Sud du département) n’a pas été ouverte en une seule fois ; elle a été construite par tronçons, inaugurés à des dates successives : 1 - Chantonnay / Sainte-Hermine (le 10 juin 1900), 2 - Sainte-Hermine / Luçon (le 15 septembre 1900), 3 - Montaigu / Les Quatre-Chemins de l’Oie (le 15 mai 1901), 4 - Luçon / L’Aiguillon (le 14 août 1901) et enfin Les Quatre-Chemins / Chantonnay (seulement le 1er janvier 1908).
La gare de Montaigu.
Sur la carte postale ci-dessus, réalisée par Artaud-Nozais de Nantes vers 1905, le train, arrivant de La Roche-sur-Yon, entre en gare de Montaigu. Dans cette ville, la gare était commune au grand et au petit train, il s’agissait de celle de la ligne Nantes / Bordeaux. Cette station est encore aujourd’hui située au nord de la ville près de la Route Nationale 137 (aujourd’hui RD 137). A partir de là, le petit train contournait complètement l’agglomération par l’Ouest pour rattraper l’accotement de la 137 au sud de la ville. Une deuxième gare se trouvait ensuite 4 kilomètres 700 plus loin, à Saint-Georges-de-Montaigu en bordure de la même route. Sur la carte postale ci-dessous on aperçoit la bifurcation permettant éventuellement à deux trains de se croiser et l’aiguillage. Nous allons retrouver plusieurs fois le long de cette ligne le même type de gare avec deux locaux : une salle d’attente avec guichet et un hall pour les marchandises.
La gare de Saint-Georges-de-Montaigu.
Après Saint-Georges-de-Montaigu le tram poursuivait son chemin toujours sur l’accotement de la route 137. Huit kilomètres plus loin, il arrivait à la gare de Chavagnes-en-Paillers. En fait il n’avait pas fait l’effort de se rendre au centre de cette commune qui comprenait, pourtant, deux séminaires, plusieurs établissements religieux et en particulier l’importante communauté des Ursulines de Jésus (sœurs de Chavagnes). Le tram s’arrêtait donc au bord de la route à 2 kilomètres du centre bourg. Il poursuivait ensuite son trajet en direction de Saint-Fulgent. Six kilomètres plus loin il atteignait la gare station de Saint-Fulgent située au nord de la ville, à la hauteur de l’ancien château du Puy-Greffier. Le bâtiment de cette gare constituait incontestablement une taille au dessus par rapport à ceux déjà rencontrés, avec en particulier un logement à l’étage, des toilettes et une grande salle d’attente. Reparti, le tram traversait la ville de Saint-Fulgent, tout le long et sur le côté droit de la chaussée. Toutefois ici la situation était beaucoup moins délicate qu’à Challans, par exemple, où le tram circulait dans une voie étroite, sans trottoir et au ras des maisons. Il a, dans cette position, fait l’objet de belles cartes postales qui sont actuellement d’une grande valeur marchande. Un kilomètre après, notre petit train rencontrait une halte dénommée « Saint-Fulgent-Bourg ».
La Gare de Saint-Fulgent.
Dans cette même commune de Saint-Fulgent, au lieu dit le Pont-Girouard, la ligne connut un grave accident assez spectaculaire en 1906. Les wagons déraillèrent et la locomotive se coucha entrainant la mort du mécanicien et du chauffeur. Le cliché de la carte postale ci-dessous a été pris grâce au pharmacien de la commune Monsieur Morat.
L’accident de Saint-Fulgent
en 1906.
Le tram poursuivait ensuite son périple jusqu’aux Quatre-Chemins de
l’Oie qu’il atteignait cinq kilomètres plus loin. Au village de la Brossière,
dans un virage, il obliquait sur la gauche pour aller ensuite en diagonale
rejoindre la gare d’une autre ligne de tram (la Roche-sur-Yon / les Herbiers)
située sur la route de Vendrennes (c'est-à-dire la RN 160). On peut
l’apercevoir sur le plan ci-dessous. Les rails sont matérialisés par une ligne
avec des petits traits sur un côté. Le long de la route, cette ligne se confond
avec celle de la route et seuls les petits traits dénotent sa présence. Il y a
un point noir au bout d’un trait à chaque fois que le tram coupe une route et
en principe un petit rectangle noir à l’emplacement des gares.
Extrait de la carte
Michelin de 1927.
Le voyage Montaigu / Les Quatre-Chemins avait coûté 1 Franc 90 aux voyageurs de 1ère classe et 1 Franc 40 à ceux de 2ème classe. Le tram parti de Montaigu avait déjà parcouru 26 kilomètres en 1 heure ¼, ce qui ne constituait pas une grosse moyenne mais qui était en plus aggravé par des retards très fréquents. On comprend mieux pourquoi ce moyen de communication était surnommé ironiquement « le tortillard » ou bien « le tacaud ». On allait jusqu’à prétendre qu’on pouvait le doubler en roulant à bicyclette et que les voyageurs devaient descendre pour le pousser dans les côtes !!!
Aux Quatre-Chemins de l’Oie le train emprunté depuis Montaigu repartait dans l’autre sens. Il fallait donc changer de train et la correspondance n’était pas immédiate. Nous avons dit que cette portion de ligne (Les Quatre-Chemins / Chantonnay) avait été réalisée 7 ans après les autres tronçons parce qu’on la soupçonnait de ne pas être rentable. En repartant, le tram traversait la RN 160 et recoupait de nouveau la RN 137 (par une sorte de passage à niveau tout juste signalé mais non gardé) pour revenir à la direction d’origine et s’arrêter 1 km 500 plus loin.
La halte de l’Oie-Bourg.
Sur cette carte postale, prise d’un peu loin, on aperçoit le tram venant de Montaigu et entrant à la halte de « l’Oie-Bourg » située au nord de l’agglomération. Nous sommes ici dans la partie tardive du tracé (ouverte seulement en 1908) et on aperçoit déjà une différence notable. Les gares sont, sur ce tronçon, de véritables petites maisons en pierres apparentes de couleur brune. Elles ont d’ailleurs été vendues ensuite pour un usage d’habitation. Autre différence, le tram va faire un écart pour aller passer dans le bourg de Sainte-Cécile, ce qu’il n’avait pas encore fait. Pour ce faire, il va quitter la RN 137 avant le village de la Ferrandière, tourner sur la droite, et se rendre directement en diagonale jusqu'à l’entrée du bourg de Sainte-Cécile. Sept kilomètres après l’Oie, il traverse le bourg et arrive ainsi en gare de Sainte-Cécile. Cette dernière est sans doute, à ce jour, une des plus belles et des mieux conservées du département. On remarquera qu’une cheminée a même été prévue pour mettre un poêle. Ce type d’édifice se retrouve aussi à l’Oie et à Saint-Vincent-Sterlanges. Sur cette photo on n’aperçoit pas les voies puisque le train à voie étroite s’arrêtait derrière le bâtiment.
La Gare de Sainte-Cécile.
Suivant maintenant la petite route, le tram se dirigeait vers Saint-Vincent-Sterlanges et y arrivait après un court parcours de 2 kilomètres 500. A cet endroit il coupait en biais la place principale puis il reprenait l’accotement sur le côté droit de la RN 137. Après 1914 Saint-Vincent-Sterlanges possédera deux gares distinctes et distantes d’1 kilomètre 500 environ : - celle de la ligne de chemin de fer Fontenay / Chantonnay / Cholet à l’est de la ville sur la route des Roches-Barritaud et - celle du tram sur la route de Chantonnay (RN 137). La carte postale ci-dessous nous permet de nous rendre compte de l’importance inattendue du transport de marchandises sur le fonctionnement de la ligne.
Le trafic en gare de Saint-Vincent-Sterlanges.
Le tram continuait sur le bas-côté droit de la route nationale. Arrivé au passage à niveau près du hameau des Aubiers, il abandonnait la route, tournait à droite et venait circuler le long de la ligne de train Fontenay / Chantonnay / Cholet. Celle-ci ne sera totalement ouverte pour les voyageurs qu’en août 1914, mais certains tronçons étaient déjà réalisés bien avant cette date. Ces deux voies jumelées montaient ensuite un talus pour pouvoir passer au dessus de la ligne La Roche / Thouars par un pont ferroviaire. Le tram arrivait ainsi, 6 kilomètres plus loin, en gare de Chantonnay par un contournement Nord-Ouest de l’agglomération. En effet, la gare de Chantonnay, construite en 1871, était commune au tram et aux autres lignes de trains. On aperçoit à peine sur la carte postale ci-dessous les grandes citernes juchées en hauteur qui permettaient aux locomotives « de faire de l’eau ».
La Gare de Chantonnay.
Pendant la première moitié du XXème siècle la gare de Chantonnay a été un véritable carrefour ferroviaire. La carte postale ci-dessous nous le montre mieux que quiconque mais pour la réaliser le photographe a du particulièrement bien choisir son moment. Le train, sur la voie 1, la plus proche de la gare, à droite, arrivait de La Roche-sur-Yon. A côté, sur la voie 2, le train venait dans l’autre sens de Pouzauges-Thouars (sur une voie unique ils ne pouvaient se croiser qu’ici). De l’autre côté de l’abri central, sur la voie 3, il venait de Cholet. Plus à gauche sur la voie 4 la locomotive arrivait de Fontenay-le-Comte. Nous trouvions ensuite deux voies réservées aux convois de marchandises. Enfin on apercevait tout à gauche la locomotive fumante du tram venant de l’Oie.
Chantonnay, carrefour ferroviaire.
Au moment de la première guerre mondiale le voyage de Chantonnay à Luçon (32 km) coûtait 2 Francs 40 en première classe et 1 Franc 50 en deuxième classe.
Pour quitter Chantonnay le tram suivait encore les lignes (SNCF) jusqu’au passage à niveau dit de la Mine sur la RN 137 au sud de la ville. A cet endroit, il les quittait et reprenait l’accotement de la route, mais cette fois-ci du côté gauche. Sur la carte postale ci-dessous, prise en direction de Chantonnay, on distingue au fond les barrières (fermées) du passage à niveau et au premier plan la route de Sainte-Hermine avec les rails du tram à droite.
Le passage à niveau de la Mine.
Arrivé au niveau de la ferme de la Mourière, la RN 137 entrait dans une zone de virages. Cet ancien cours royal, construit vers 1750, avait initialement été tracé en ligne droite. Mais, deux collines (dont l’une avec une pente de plus de 10% au lieu dit « Le Lion ») avaient provoqué des morts parmi les voyageurs des diligences. Aussi, sous le règne de Louis-Philippe, on avait remplacé la voie rectiligne par une route serpentant en lacets et possédant ainsi treize virages successifs. De sorte que le tram, pour conserver une voie à peu près linéaire, était obligé de couper fréquemment la route en passant alternativement de droite à gauche puis de gauche à droite de la chaussée. Et naturellement il opérait ce changement à chaque fois en plein virage rendant la circulation particulièrement dangereuse à cet endroit. On ose à peine imaginer ce que cette pratique provoquerait aujourd’hui avec une circulation nettement plus considérable.
Le tram à Pont-Charron.
Cinq kilomètres après la gare de Chantonnay, le petit train s’arrêtait à la halte de Pont-Charron juste après l’imposant pont sur la rivière « Le Grand Lay ». Cette station n’était guère fréquentée que par les habitants du village de la Tabarière, mais elle prenait des marchandises à la minoterie et surtout à la carrière de pierres immédiatement voisines. Sur la carte postale ci-dessus on aperçoit le tram venant de Sainte-Hermine et se présentant à la halte de Pont-Charron.
La gare du Charpre.
Deux kilomètres 500 plus loin seulement le petit train s’arrêtait de nouveau à la gare du Charpre. Cette dernière desservait en outre les villages de La Châtaigneraie-aux-Coteaux, le Poiserit et les hameaux voisins mais aussi le bourg de Saint-Philbert-du-Pont-Charrault pourtant distant de plus de quatre kilomètres. Sur la carte postale ci-dessus on aperçoit un wagon de marchandises stationné devant la petite gare. A un peu plus d’un kilomètre de là le tram stoppait encore à la halte du village de la Leue.
La Gare de Féole.
Poursuivant son chemin, toujours sur la banquette gauche de la route nationale 137, il arrivait ensuite à la gare de Féole après un parcours d’à peine quatre kilomètres. A Féole, il desservait du même coup le chef-lieu de la commune c'est-à-dire La Réorthe. Il passait ainsi juste devant l’allée du château de l’Aubraie. Toutefois, Georges Clemenceau, en se rendant dans sa famille, ne prenait pas le tram, il descendait du train venant de Paris-Austerlitz en gare de Chantonnay et se faisait ensuite conduire en voiture jusqu’à l’Aubraie. On aperçoit sur ce cliché, dans la gare de Féole comme dans la précédente, des wagons en stationnement. Certains, fermés, étaient destinés aux bestiaux et d’autres ouverts comme de simples plateaux (les wagons-tombereaux) servaient au transport des cailloux (sans doute de Pont-Charron).
La Gare de Sainte-Hermine.
Encore cinq kilomètres et le petit train arrivait à Sainte-Hermine en face de l’actuelle Mairie. Sans compter les gares de Montaigu, Chantonnay et Luçon communes aux grands et petits trains, la gare de Sainte-Hermine était la plus importante de toute la ligne. Elle existe d’ailleurs encore aujourd’hui et a conservé sa vocation puisque la municipalité de Sainte-Hermine a eu la bonne idée de la transformer en gare routière. Sur la carte postale ci-dessus, deux trains se croisent à cet endroit: celui de droite vient de Chantonnay et celui de gauche de Luçon. En effet, le tram comme le grand train circulait à gauche suivant une habitude héritée des britanniques et toujours conservée depuis par la SNCF. On s’aperçoit également qu’avant l’installation, un peu partout, des célèbres barrières ajourées en béton, on utilisait une simple palissade en ganivelles de bois
Le tram quitte la gare de Sainte-Hermine.
Tout juste parti de la gare de Sainte-Hermine, le petit train utilisait maintenant l’accotement du côté droit et traversait la place de Saint-Hermand (du nom de l’une des anciennes paroisses). On se rend compte assez facilement sur la photo ci-dessus que le convoi comportait successivement la locomotive, le fourgon des marchandises, un wagon de piquets de bois et quatre voitures pour les voyageurs (1ère et 2ème classe). Contrairement à que l’on pourrait imaginer la carte postale suivante (ci-dessous) n’a pas été prise par le même photographe (Penou et non pas Péré), ni le même jour que la précédente. Pourtant on y distingue un wagon identique rempli de piquets de bois, peut être utilisés pour faire les poteaux de bouchots pour les moules dans la baie de l’Aiguillon-sur-Mer.
Le tram part de Sainte-Hermine.
Au bout de cinq kilomètres à peine, le petit train, qui suivait toujours l’accotement de la route nationale 137, arrivait à la gare de Saint-Jean-de-Beugné. Et puis, encore cinq kilomètres et il traversait ensuite le bourg de Sainte-Gemme-la-Plaine. Celui que l’on aperçoit sur la carte postale ci-dessous semble venir de Luçon (sous l’œil intéressé des passants). Toujours dans le bourg de Sainte-Gemme, il abandonnait la RN 137 pour prendre une rue et rejoindre en diagonale l’ancienne route allant directement de Sainte-Gemme à Luçon.
La traversée de Sainte-Gemme-la-Plaine.
Le tram, après avoir parcouru cinq kilomètres arrivait ensuite à Luçon. Dans la ville épiscopale, il effectuait en réalité deux arrêts. - Le premier était commun avec la gare des voyageurs du chemin de fer située sur la ligne Nantes / La Roche-sur-Yon / La Rochelle ; - Le second, commun avec la gare des marchandises, était situé deux kilomètres plus loin sur le port. Sur la carte postale ci-dessous un train entre en gare à gauche, il arrive vraisemblablement de La Rochelle. Sur ce cliché, on n’aperçoit malheureusement pas l’emprise du tram qui devait obligatoirement couper la ligne de chemin de fer à Luçon. De cette dernière ville partait une autre ligne de chemin de fer à voie étroite qui se dirigeait vers Les Sables d’Olonne, via Angles et Talmont.
La gare « SNCF » de Luçon.
Sur le plan reproduit ci-après, et qui est extrait de la carte d’état-major autour de Luçon, on peut suivre le tracé des lignes de chemins de fer et des voies du tram. Les rails de ce dernier sont ici représentés par une ligne coupée de petits traits de chaque côté que l’on aperçoit tout juste quand ils se confondent avec la route ou les voies plus larges (SNCF). Les gares sont ici indiquées par « Station » ou « Ston ».
Extrait de la carte d’état-major de Luçon.
Le tracé de notre ligne Montaigu / l’Aiguillon enveloppait ensuite le centre ville, par une large courbe à l’Est de ce dernier, pour se diriger vers le port. En effet, la ville de Luçon disposait encore au début du XXème siècle d’un port commercial relié à la mer par un canal de 14 kilomètres. Les grands trains de marchandises (sur les voies ordinaires) venaient au port pour y livrer ou y charger des marchandises. D’ailleurs sur la carte postale ci-dessous, à gauche, des wagons du grand train sont en stationnement devant les usines ou les entrepôts construits le long du quai à l’Est du bassin. Le plus intéressant sur ce cliché, au premier plan, ce sont les palettes de retournement qui permettaient manuellement de faire tourner la locomotive ou bien les wagons à 90 degrés (virage impossible) ou à 180 degrés (retour en arrière). On aperçoit également, tout à droite, des wagons du tram en stationnement sur l’autre quai à l’Ouest du canal. Et on peut suivre ses voies qui arrivaient du côté gauche, coupaient les rails du train et effectuaient une large courbe pour se diriger ensuite vers Triaize. Le port a été malheureusement comblé à la fin du XXème siècle pour devenir un parking.
Le port de Luçon.
Par rapport à la carte postale précédente, la suivante a été prise (vers 1905) à l’autre extrémité du port, du côté Est. Au premier plan à gauche une locomotive et un convoi de marchandises se dirigent vers l’actuelle gare SNCF. De l’autre côté du canal, à l’Ouest, d’autres wagons attendent d’être chargés. Tout au fond à droite, juste devant les maisons, on aperçoit également le petit train qui arrive de l’Aiguillon en tractant lui aussi des wagons de marchandises. Nous avons ainsi une image vivante de l’activité du port de Luçon au début du XXème siècle.
Les trains au port de Luçon.
Sur la carte postale qui fait suite on aperçoit, sur la gauche, le tram qui vient de la gare de Luçon et arrive sur le quai Ouest du port. Le convoi comporte la locomotive, le fourgon de marchandises, trois wagons tombereaux bâchés et trois voitures de voyageurs. Il semblerait que la locomotive soit une Decauville. A l’origine, la compagnie des tramways avait surtout commandé des machines de modèle Corpet-Louvet, qui étaient préférées du fait de leur robustesse et leur fiabilité.
Le tram arrive au port de Luçon.
Juste après les quais du canal se situait la deuxième station de tram de la ville : « Luçon-Port ». Sur la carte postale ci-dessous le tram quitte sa petite gare. Les voyageurs descendus sont encore sur le quai et regardent le photographe. Curieusement cette face plate avec deux lucarnes et deux lanternes constituait bien la partie avant du convoi. En effet la petite locomotive était toujours obligatoirement placée en tête du convoi mais elle se retrouvait dans le mauvais sens au redémarrage après un terminus. Nous avons d’ailleurs vu précédemment une locomotive identique dans la même position à la gare de Sainte-Hermine.
L»e tram quitte la gare de Luçon-Port.
Extrait de la carte Michelin de 1937.
Sept kilomètres après Luçon-Port, il arrivait à la gare du bourg de Triaize. Si des touristes, se penchant à la portière, qualifiaient la commune de « pays des ânes » (à cause de ses célèbres compétitions asines) ils se voyaient répliquer tout aussitôt par les autochtones « il en passe plus qu’il n’en reste ». Sur la carte postale ci-dessous, on aperçoit un certain nombre de gens en tenue de travail et avec des outils, sans doute pour charger dans les wagons. Dans l’embrasure du local pour la billetterie on reconnaît l’employée de la compagnie avec un tablier et surtout un brassard distinctif de couleur.
La gare de Triaize.
La gare de Saint-Michel-en-l’Herm, située exactement 7 kilomètres plus loin, avait au début du XXème siècle un certain dynamisme économique en raison de son importante laiterie, des activités annexes mais aussi de la carrière d’extraction de coquilles d’huitres fossilisées. Sur cette carte postale, les bâtiments de la gare, en tous points identiques à ceux de Triaize, sont tout aussi modestes. Le convoi est en gare, les voyageurs descendent des wagons, les marchandises sont déchargées des wagons.
La gare de Saint-Michel-en-l’Herm.
Après un petit parcours de cinq kilomètres seulement, le tram arrivait à la station de l’Aiguillon-Ville, située à la limite Est du bourg. Pourtant classés comme « halte » les bâtiments de la gare paraissaient plus importants et comprenaient en particulier un logement à l’étage. Deux trains semblent se croiser à ce moment là.
La halte de
l’Aiguillon-Ville.
La commune de l’Aiguillon-sur-Mer comportait donc, elle aussi, deux gares, en particulier « L’Aiguillon-Port » le terminus de la ligne, situé le long du port, dans l’embouchure du fleuve « Le Lay ». C’était le point le plus proche de la mer. Aussi, les voyageurs désirant se rendre à la plage la plus proche devaient encore franchir le Lay par le pont passerelle, à pied, puis traverser le village de la Faute. Souvent, ils ne quittaient pas la gare avant d’avoir assisté à la manœuvre qui consistait, au terminus, à tourner la locomotive sur une palette et à la conduire à l’autre extrémité pour lui faire prendre la tête du convoi de retour. Nous avons la chance de bénéficier à cet endroit d’une carte postale représentant une vue latérale du convoi avant son départ (ci-dessous). De gauche à droite nous pouvons ainsi distinguer au moins deux wagons de voyageurs, le fourgon de marchandises avec le convoyeur et la locomotive (Decauville N°1) avec le mécanicien, la burette d’huile à la main. Cette ligne Luçon / l’Aiguillon a toujours été considérée comme la plus rentable du réseau en voyageurs comme en marchandises.
Le tram en gare de
l’Aiguillon-Port.
Contrairement aux autres cartes postales précédentes, datant à peu près toutes de 1905 environ, cette photo, a été réalisée par Bergevin photographe à La Rochelle (avec le sigle Ramuntcho) vers 1920. On ne compte pas moins de 10 wagons de voyageurs dans ce convoi qui attend ici le départ en bordure du quai. Certains touristes montent déjà dans les wagons pour choisir leur place, d’autres flânent encore sur les pontons pour regarder les pêcheurs. C’est par cette ligne de tram que les bourriches d’huitres, les cageots de moules de l’Aiguillon et les autres fruits de la marée remontaient vers le haut bocage vendéen au début du XXème siècle (sans wagon frigorifique, mais avec un peu de glace).
Les voyageurs vont repartir du terminus.
Un voyageur qui partait de l’Aiguillon-sur-Mer le matin à 7 heures 12, arrivait à Luçon à 8 heures. Après 1 heure ¼ d’attente, il repartait à 9 heures 15 et arrivait à Chantonnay à 10 heures 20. Après 2 heures 40 d’attente, il repartait à 13 heures, arrivait Aux Quatre-Chemins à 13 heures 50, puis après 20 minutes d’attente, il repartait à 14 heures 10 pour arriver enfin (et en principe) à Montaigu à 15 heures 24.
Dans ces conditions, après la première guerre mondiale, le tram fut très vite largement concurrencé par les lignes d’autocar. Le trafic de voyageurs, étant désormais très peu rentable, le service fut interrompu à partir du 1er janvier 1935. Toutefois, il reprit en partie, pendant la durée de la seconde guerre mondiale. Le 1er janvier 1947 la ligne ferma définitivement de Chantonnay à Luçon. Et le dernier tronçon Luçon / l’Aiguillon réussit à se maintenir jusqu’au 31 novembre 1949.
Après cette date, les rails furent arrachés, les gares vendues et les petits trains disparurent définitivement du paysage de nos campagnes.
(Bibliographie : La Vendée des petits trains, 1987, Michel Harouy, Ed. Céromane).
Chantonnay le 15 mars 2019