LES ARMOIRIES DE LA VENDÉE
Dans le cadre de l’opération « Vendée 2040 », le Conseil Départemental a organisé une première soirée débat sur le thème de l’Identité Vendéenne, en présence de l’éminent historien Franck Ferrand, à l’école d’ingénieurs de La Roche-sur-Yon le Jeudi 31 janvier 2019. Cette conférence a été l’occasion pour certains de reparler des armoiries du département de la Vendée.
Sur ce même thème, nous avions eu l’occasion de lire un article dans une presse syndicale, il y a quelques années au moment de la création du Logo du Département le 18 septembre 1989 à l’époque du Président Philippe de Villiers. Nous ne citerons cet article que globalement et de mémoire car nous ne l’avons pas conservé. On y expliquait de façon convaincue et péremptoire que les armoiries de la Vendée avaient été données par le gouvernement de Vichy en 1943 pour rendre hommage aux Guerres de Vendée. Il nous apparaît donc utile de rappeler ici quelques réalités historiques locales.
Logo du département de la Vendée.
Ce n’est pas le gouvernement de Vichy qui a pris cette décision mais le Conseil Général de l’époque. Bien sûr, les Conseils Généraux avaient été dissous par l’État Français en 1940 et remplacés par des commissions consultatives appelées ensuite « conseils départementaux ». Les préfets avaient alors désigné un peu partout des personnes qui leur convenaient. Mais en Vendée, le représentant de l'État avait nommé 29 des 30 anciens Conseillers Généraux (élus à l’époque du Front Populaire), en éliminant ainsi un seul d'entre-eux (parce qu’il était franc-maçon). Ces conseillers ont ainsi siégé durant l’occupation, notamment en 1943 et 1944. Le Préfet avait parfois été amené à remplacer les membres décédés durant cette période, il le fit en nommant le plus souvent un des fils du défunt. Et les personnes ainsi désignées, quand elles se sont soumises ensuite au suffrage universel à l’époque de la Libération, ont été très largement élues. De sorte que, en Vendée, le Conseil Général du Front Populaire, celui de l’Occupation et celui de la Libération, cela correspond très majoritairement au même.
On peut se demander pourquoi les Conseillers Généraux avaient choisi cette période pour doter le département d’armoiries. Tout d’abord parce qu’une période d’occupation par une puissance étrangère est psychologiquement un moment de prédilection pour affirmer son identité. Et surtout parce qu’à cette époque, les décisions déterminantes étaient prises par le Préfet, et que l’assemblée départementale avait fort peu d’argent à gérer. Elle avait ainsi plus de temps pour se consacrer à des choses, qui en d’autres circonstances, n’auraient pas été considérées comme prioritaires.
Le Département a géré cette affaire d’une façon tout à fait sérieuse, en faisant participer un érudit local Jacques de Maupeou directeur d’une revue qui faisait alors autorité : « La revue du Bas-Poitou » (fondée en 1888 par René Vallette). Celui-ci, par l’intermédiaire de sa revue, a fait une sorte d’appel à projets auprès de la population et contrairement à toute attente en cette période critique, cet appel à suscité beaucoup d’intérêt. Il a ainsi été collecté beaucoup d’idées différentes et une quarantaine de projets construits et même dessinés. Ces propositions diverses pouvaient tout de même être classées en quatre catégories :
- celles qui évoquaient l’appartenance à la France et à la province du Poitou ;
- celles qui évoquaient les Guerres de Vendée ;
- celles qui évoquaient un célèbre bijou (le double cœur) ;
- celles qui évoquaient des aspects géographiques ou autres.
Il convient de préciser ici que la ligne politique générale suivie par le Conseil Général, dont nous venons de dire qu’il n’avait pas varié durant cette époque, pouvait (pour faire simple) être qualifiée de « centre droit ». Le Conseil était globalement revenu à la ligne de l’union sacrée mise à l’ordre du jour pendant la première guerre mondiale ; c’est dire qu’il évitait les positions qui pouvaient apporter de graves divisions dans son sein.
C’est la raison pour laquelle, par exemple, le Conseil Général n’a pas retenu un projet qui évoquait seulement Les Guerres de Vendée, celui de Pascal Lanco. D’autant plus qu’il n’était pas particulièrement esthétique ni rigoureux en matière d’héraldique. En effet, il accolait sur un seul écu le bleu et le rouge alors qu’on ne peut associer « métal sur métal » ou « émail sur émail » (« Azur » et « Gueules ») à moins de le faire avec plusieurs blasons « cousus ».
A ce niveau, il convient aussi de parler maintenant du célèbre motif au double cœur. Ce thème n’est pas spécifiquement vendéen, puisqu’il apparaît vers la fin du XVIIème siècle dans beaucoup de provinces de France. En effet il évoque alors exclusivement l’association de deux cœurs et décore donc les cadeaux de fiançailles ou de mariages. Nous publions ici deux objets pour illustrer ces habitudes : un miroir originaire de Provence utilisé comme cadeau de mariage et une assiette de mariage originaire de l’Ouest de la France, tous les deux décorés de deux cœurs enlacés.
Miroir provençal du XVIIIème siècle
Assiette de Mariage du XVIIIème siècle.
Ce qui est spécifiquement bas-poitevin à la fin du XVIIIème siècle et utilisé principalement dans la région de Challans, c’est le bijou au double cœur évidé. Cet objet généralement en argent massif, surnommé la Guimbarde, était offert au promis lors des fiançailles et servait à fermer le col de la chemise. Là aussi c’était un motif amoureux, assez peu religieux et surtout aucunement politique. Bien sûr, il était parfois surmonté d’une croix, pour bien montrer que les fiançailles étaient religieusement bénies. Sur le premier exemple ci-dessous il est surmonté de plusieurs clous, sans doute pour suggérer que l’union serait dans le bonheur comme dans les épreuves. Il était encore plus souvent surmonté d’une couronne pour affirmer que l’amour était roi et le mariage son couronnement.
Bijou bas-poitevin du XVIIIème Bijou vendéen du milieu du XIXème
Cette parenthèse étant fermée, revenons en maintenant aux Armoiries de la Vendée. Au lieu de choisir radicalement entre les différentes propositions reçues, le Conseil Général a préféré adopter une solution qui permettait d’en intégrer plusieurs en même temps. Nous avons eu, à ce sujet, le privilège de recueillir les souvenirs d’un membre ayant participé à la commission chargée de ce dossier.
Les Armoiries officielles de la Vendée.
Ainsi, enregistré à Paris le 20 octobre 1943 par la commission des Sceaux et Armoiries de l’État, le blason du département avait désormais une existence légale. Il pouvait se lire héraldiquement de la manière suivante :
« d’argent au double cœur enlacé évidé couronné croiseté de gueules et à la bordure componée à 16 pièces : au 1, 3, 5 et de suite d’azur à la fleur de lys d’or, au 2, 4, 6 et de suite de gueules au château à 3 tours d’or ».
(On remarquera que le dessinateur a représenté par erreur le fond de couleur métallique grise alors qu’en fait « l’argent » se présente tout simplement en blanc !).
La bordure portait les armoiries anciennes du pays « d’azur à la fleur de lys d’or » (qui est de France) et de la province « de gueules au château à 3 tours d’or » (qui est du Poitou). La partie centrale de l’écu évoquait le bijou dont nous venons de parler précédemment. Seules les couleurs blanc et rouge (argent et gueules) évoquaient (très discrètement) les Guerres de Vendée. Toutefois, le message est bien passé puisque ces couleurs sont maintenant reconnues unanimement comme celles de la Vendée. En ce sens, elles rappelaient le cœur rouge surmonté d’une croix sur un carré d’étoffe blanc que portaient les soldats vendéens au revers de leur vêtement en 1793. Cette dévotion au Sacré-Cœur provenait des apparitions de Sainte Marguerite-Marie Alacoque à Paray-le-Monial au XVIIème siècle. Elle a été renouvelée et confondue avec les apparitions de la médaille miraculeuse à Sainte Catherine Labouré en 1830 et la consécration au Sacré-Cœur à la fin du XIXème siècle.
Dans les armoiries, l’écu constitue la partie essentielle ; le reste à savoir les lambrequins, les supports, la couronne, la devise, le cri, le cimier etc…sont des éléments destinés à le compléter et à le mettre en valeur. Par exemple la famille de Maupeou avait comme armoiries un porc épic et comme devise : « qui s’y frotte s’y pique ». Il est donc parfaitement superflu d’essayer d’épiloguer sur une éventuelle opposition entre l’interprétation de la devise et celle de l’écu. La bonne interprétation est obligatoirement celle qui va dans le même sens que « les meubles » de l’écu. Or ce dernier évoque clairement l’appartenance à la France et à l’ancien Poitou.
Il est vrai qu’au moment de la décision, le blason choisi n’avait pas de devise. Aussi, sur proposition de l’archiviste départemental, ils sont allés en chercher une dans un des projets non retenus. Et sur ce dernier, la devise évoquait effectivement la fidélité à Dieu et au Roy « Utrique Fidelis » (fidèle à l’un et à l’autre). Ils l’ont pris par défaut, mais aussi parce qu’elle avait le mérite d’être écrite en latin et de se prêter à beaucoup d’autres interprétations. Mais, à aucun moment, ils n’ont validé l’interprétation proposée par Pascal Lanco. Une variante a été un moment envisagée : « Utrique et Semper Fidelis » (toujours fidèle à l’un et à l’autre) parce qu’elle aurait ainsi été en trois parties comme la plupart des devises. L’idée personnelle de l’archiviste était bien d’évoquer la bravoure dans l’un et l’autre camp lors des guerres de Vendée Toutefois l’interprétation officielle retenue à ce moment là par les Conseillers Généraux a été sans ambigüité: « Fidèle à la Grande Patrie (La France) et à la Petite Patrie (La Vendée) ». N’oublions pas que la première guerre mondiale était alors encore très présente dans les esprits ! De plus, la devise se trouvait cette fois-ci en parfaite conformité avec les thèmes présents sur l’écu (et donc héraldiquement correcte).
Par la suite les interprétations ont pu varier quelque peu. Le Président
Auguste Durand (1945 à 1969) a parfois fait allusion aussi aux deux aspects de
la Vendée, la côte et la ruralité. Pour sa part, le Président Michel Crucis (1971
à 1988), dans ses discours, est toujours revenu à l’interprétation initiale des
deux patries pour la « chère et
douce Vendée ». L’interprétation de la fidélité à la Vendée de
Charrette comme à celle de Clemenceau est plus récente.
Médaille d'honneur du Conseil Général.
Maurice BEDON
Ancien Conseiller Général de la Vendée