QUATRE MARINS DANS LA GRANDE GUERRE
« Quatre Marins dans la Grande Guerre » c’est sous ce titre que Didier Besseau ; Lieutenant de vaisseau, publiera prochainement un nouvel ouvrage aux Éditions « La Chouette de Vendée ». Ce nouvel auteur de la maison d’Éditions nous offre aujourd’hui un petit article résumant la vie d’un de ces quatre marins : François Angibaud.
François Angibaud, sieur de la Morinière, capitaine royaliste de Beauvoir-sur-Mer et son frère Prosper, aide de camp du Général Charette, sont exécutés le 20 avril 1793 aux Sables d’Olonne. Cette ancienne et très honorable famille de Vendée, victime de la barbarie de la Convention Nationale, figure désormais parmi les martyrs d’une cause que tant d’autres ont payés de leurs vies dans cette région restée fidèle à Dieu et au Roi.
François Angibaud (1886-1915) .
Moins d’un siècle plus tard, leurs descendants se sont installés à Saint-Nazaire. C’est dans ce port breton que nait François Angibaud le 23 mai 1886. La mer est sa passion et tout naturellement il embarque à 16 ans en qualité de mousse à bord du vapeur Basse Indre puis sur divers navires du commerce pour apprendre un métier des plus difficile et ingrat, celui de chauffeur et soutier. Cette spécialité implique de passer de longues heures dans les profondeurs du bâtiment pour alimenter continuellement en charbon les chaudières et vérifier le bon fonctionnement des machines.
A partir de septembre 1906, François Angibaud est appelé à servir sur les vaisseaux de l’État. Durant trois années, il foule le pont du croiseur Catinat, de l’aviso-torpilleur Lance, du navire école des canonniers Tourville, du croiseur-cuirassé Bruix et du tout nouveau contre-torpilleur Voltigeur.
En 1910, de retour à la vie civile, il retrouve son métier et poursuit ses navigations au commerce. L’année d’après son père décède à Saint-Nazaire. François décide alors de suivre sa mère qui s’installe à Machecoul où demeure l’une de ses filles.
Fin juin 1914, il embarque sur le transport postal El Kantara à destination de Saïgon. Arrivée sur place, la situation internationale s’est terriblement dégradée. La guerre est inévitable. Le El Kanrara est alors réquisitionné par l’armée pour le transport de l’artillerie.
Le Cuirassier Le Bouvet .
François rentre en France en octobre 1914 étant désormais mobilisé dans la marine de guerre. Il embarque sur le puissant cuirassé Bouvet et servira en qualité de chauffeur à son bord. Il devra combattre sur le nouveau front des Dardanelles qui se trouve sous domination turque. Mais pourquoi doit-on désormais se battre si loin ? En Europe, la guerre s’enlise et les hommes s’enterrent dans les tranchées. Nos alliés russes subissent d’importants revers sur le front oriental qui se fige également sur une ligne allant de la mer Baltique à la mer Noire. Le détroit des Dardanelles devient l’unique passage qui peut maintenir la communication entre la Russie d'un côté, la France et le Royaume-Uni de l'autre. Il doit rester ouvert à tout prix !
Notre jeune marin est conscient des risques qu’il va devoir affronter et adresse à sa mère et sa sœur un courrier rempli de résignation face aux dangers qui ne manqueront pas. Le 18 mars 1915, le Bouvet participe à un combat décisif pour tenter de franchir le détroit des Dardanelles. Ce détroit est un enjeu stratégique d’importance pour permettre une communication rapide entre les Alliés européens et russes. Une escadre franco-britannique de 18 vaisseaux ouvre le feu sur les forts turcs qui défendent ce passage. Le combat fait rage et son issue ne fait guère de doutes pour les commandants anglais et français. Les Turcs ont bien préparé leur défense et leurs tirs endommagent de nombreux bâtiments. Il est alors décidé de battre en retraite avant que cette défaite ne se transforme en déroute. Il est 11h58 quand le Bouvet entame sa manœuvre de repli et heurte l’une des nombreuses mines flottantes déployées par les forces ottomanes dans tout le détroit.
Une énorme explosion se fait entendre. Les machines sont immédiatement envahies par l’eau. François Angibaud et ses compagnons comprennent alors qu’ils vont mourir. Le Bouvet est perdu et tel un animal touché à mort, le fier cuirassé se couche et coule en quelques minutes seulement. Seuls 75 hommes survivront à ce désastre. On compte 648 morts parmi lesquels le brave commandant Rageot de La Touche qui voulut partager le sort de son équipage plutôt que survivre.
A 29 ans, l’âge où l’on veut créer une famille, avoir des enfants, François Angibaud a donné sa vie pour la Patrie. Après la guerre, l’heure des hommages étant venue, chaque commune a érigé un monument dédié à la Mémoire de ceux qui ne reviendront pas. Ni Saint-Nazaire, ni Machecoul n’a alors inscrit le nom de François Angibaud sur leurs tables mémorielles.
Mais François connaitra, un siècle après sa disparition, un destin post-mortem peu commun et ô combien honorifique. Le 30 septembre 2015, le Centre d’instruction de Saint-Mandrier dans le Var, qui forme les quartiers-maîtres et matelots de la Flotte, a été le théâtre d’une cérémonie qui honore chaque année un marin Mort pour la France.
La Marine nationale a décidé que la cession 2015-2016 portera le nom de « Promotion Matelot François Angibaud ».
La nouvelle plaque sur le monument de Machecoul .
La municipalité de Machecoul a souhaité également rendre hommage à ce marin. Le dimanche 11 novembre 2018, une cérémonie émouvante s’est déroulée devant le monument aux Morts. Les autorités civiles et militaires présentes et Madame Valérie Renty arrière-petite nièce de François, ont dévoilé une plaque sur laquelle figure les noms de combattants morts pour la France qui dormaient depuis un siècle dans un anonymat total.
François Angibaud a désormais son nom gravé pour toujours auprès de ses compagnons d’armes qui, comme lui, ont sacrifié leurs vies pour la France.
Didier Besseau lors de la cérémonie du 11 XI 2018 .
Au travers de la vie de François Angibaud, un pan du rôle de la Marine au cours de la première Guerre mondiale a été abordé. Tout au long de ces quatre années de conflit, la Marine a combattu pour protéger nos côtes et a aussi partagé le sort des soldats de l’infanterie dans les tranchées. Peu connaissent la réelle importance de notre Marine entre 1914 et 1918 malgré l’engagement total de nos forces maritimes.
Didier BESSEAU
Pour
réparer quelque peu cet « oubli historique », Didier Besseau,
Lieutenant de vaisseau dans la Réserve citoyenne, a rassemblé des archives
familiales et administratives pour retracer le destin de « Quatre marins
dans la Grande Guerre». C’est sous ce titre qu’il publiera son ouvrage aux
Editions « La Chouette de Vendée », vous pourrez y retrouver François
Angibaud, mais aussi Jean-Marie Allo, Aristide Moyon et Pierre Perraud, marins
du commerce ou de l’État.